Les élèves de la promotion 2017/2018 du Master 2 de Communication politique et publique ont choisi d’organiser leur événement de fin d’année au Louvre. Cela peut paraître étonnant dans la mesure où nous ne sommes ni historiens, ni étudiants en histoire de l’art, mais nous avions à cœur de faire découvrir le Louvre sous un angle nouveau. Déformation professionnelle oblige, c’est celui de la représentation du pouvoir politique dans l’art que nous avons choisi.
Voici le commentaire qui a accompagné l’itinéraire choisi dans le Musée, présentant plusieurs tableaux célèbres et le Palais du Louvre lui-même comme lieu d’expression et de mise en scène du pouvoir à part entière. Cette visite préliminaire a servi de support à la table ronde qui a suivi, et dont les thèmes principaux s’articulent autour des « espaces et scénographies de la médiatisation du pouvoir » – voir aussi l’article paru dans The Conversation à ce propos.
Jacques-Louis David, « Le sacre de Napoléon » (1806-1807)
La représentation du sacre de Napoléon est une œuvre dense en termes de ressources communicationnelles. En effet, arrivé au pouvoir par un coup d’État, l’Empereur récemment sacré commande cette œuvre monumentale au peintre Jacques-Louis David très probablement dans le but de légitime le pouvoir impérial et d’ancrer une nouvelle dynastie.
Divers symboles y sont exploités, mais nous centrerons ici notre propos sur la représentation des espaces du pouvoir religieux et politique.
Au centre de la toile trône un crucifix. S’il reconnaît le pouvoir religieux de Rome, l’Empereur tient cependant à affirmer son indépendance à son égard. La présence contrainte du Pape Pie VII lors du sacre de l’Empereur est exacerbée par le fait que celui-ci est dépossédé d’une partie de son office par l’Empereur, qui couronne lui-même l’Impératrice Joséphine. Napoléon occupe une place et un rôle centraux, dominant l’assemblée et s’empare de toute son attention.
Les regalia – le sceptre surmonté de l’Aigle, la Main de Justice, l’Orbe (globe surmonté d’une croix) – sont représentés, portés respectivement par Lebrun, Cambacérès et Berthier, qui ont occupé des rôles politiques de premier plan, tant à l’époque du Consulat que de l’Empire. Le réemploi des regalia témoigne de l’héritage symbolique et traditionnel dans lequel on désire inscrire l’Empire. S’il se pose en pacificateur et unificateur d’une société troublée par la période révolutionnaire et la Terreur – dont il souhaite conserver les acquis – Napoléon aspire toutefois à inscrire l’Empire dans une certaine forme de continuité vis-à-vis du régime monarchique d’ancien régime.
Ce tableau rejoint la fonction des portraits royaux officiels, incarnation du pouvoir et de la gloire royale. Il remplit également cette double fonction de la représentation du souverain, telle qu’évoquée par Louis Marin dans Le portrait du roi : rendre présente la figure royale mais aussi et surtout renforcer son autorité en procédant à la « mise en réserve de la force dans les signes » : discours d’éloge, récit historique, tableau et médailles opèrent le passage de l’un à l’autre des deux « corps du Roi » évoqués par Kantorowicz[1] et commentés par Marin[2].
Eugène Delacroix, « La Mort de Sardanapale » (1827)
La Mort de Sardanapale renverse cette traditionnelle représentation du pouvoir. Sardanapale aurait été un roi légendaire de Ninive, en Assyrie et aurait vécu entre 661 et 631 avant Jésus-Christ. Il existe plusieurs légendes et histoires sur ce roi. Cependant, il apparaît que Delacroix se serait inspiré de la version de Sardanapalus, datant de 1821, du poète anglais Lord Byron, l’un des écrivains phare du romantisme.
Cette toile représente le moment où Sardanapale ordonne à ses esclaves et aux officiers du palais de faire tuer son harem, ses chevaux et ses chiens avant de se donner la mort car sa capitale est assiégée et qu’il est sur le point d’être fait prisonnier. On remarque Sardanapale, en haut dans l’ombre, dominant de son lit et observant la scène. Sardanapale est représenté ici en tyran sanguinaire massacrant tous ses objets de plaisir. Il est dépeint selon les clichés et les fantasmes que l’Occident pouvait entretenir sur l’Orient à l’époque.
Cette toile est caractéristique du mouvement orientaliste[3]. On reconnaît le stéréotype du prince oriental détenant le pouvoir par la violence (et qui exerce sa domination sur les femmes) et qui est en quelque sorte le contre-modèle des figures de pouvoir de cette époque en Occident (à rapprocher de la représentation de Napoléon vue précédemment). Finalement, c’est une représentation de l’idéologie de l’époque, ainsi que des idées préconçues que les Occidentaux pouvaient entretenir à l’égard des personnes et lieux de pouvoirs en Orient. De plus, cette représentation de la violence, de la figure de pouvoir tyrannique, (de la domination de l’homme sur les femmes et de la nudité des corps) a pu être considérée comme symptomatique l’idéologie de l’époque, justifiant les aspirations coloniales de l’Occident[4].
Par ailleurs, il est intéressant de voir qu’ici les espaces et lieux d’expression du pouvoir sont mélangés et confondus. Le sérail est autant un lieu de pouvoir politique, car palais du roi, qu’un lieu de pouvoir privé où il retrouvait ses concubines.
Antoine-Jean Gros, « Bonaparte visitant les pestiférés à Jaffa – 11 mars 1799 »
La prise de Jaffa correspond à un moment marquant de la campagne d’Égypte menée par Bonaparte entre 1798 et 1799, qui a fait l’objet d’un réemploi propagandiste.
La représentation de cet épisode a été commandée en 1804 par Napoléon Bonaparte au Baron Antoine Jean-Gros. Initialement, l’Empereur en devenir avait commandé une peinture représentant un autre événement de la campagne d’Égypte, le Combat de Nazareth, durant lequel le général Junot s’était distingué au combat. Bonaparte s’est finalement ravisé, préférant commander une représentation élogieuse de sa personne plutôt que l’un de ses généraux.
La scène se déroule dans une mosquée reconvertie en hôpital de campagne. On aperçoit à l’arrière-plan les murailles de la ville de Jaffa, couronnées d’un drapeau tricolore aux dimensions démesurées, flottant dans un ciel troublé. On identifie Bonaparte accompagné de ses officiers, en retrait, la bouche couverte d’un mouchoir. Alors que Desgenettes, le médecin en chef de l’armée tente de l’en dissuader, l’Empereur en devenir ôte son gant afin de porter la main sur la plaie d’un des pestiférés. Ce geste est une référence symbolique forte au pouvoir thaumaturgique des Rois de France.
Pourtant, il semble que Bonaparte ne soit pas allé au contact des pestiférés lors de la prise de Jaffa. Il aurait demandé à Desgenettes d’administrer de l’opium aux malades et aurait souhaité abandonner les soldats malades sur place, les estimant intransportables. Cet épisode préjudiciable à Napoléon Bonaparte a été exploité par les Anglais, qui entreprirent de relayer l’histoire du massacre de Jaffa et de l’abandon de ses hommes par le futur Empereur.
L’œuvre, commandée par Napoléon Bonaparte plusieurs années après la campagne d’Égypte, peut ainsi apparaître non seulement comme un outil de légitimation de son pouvoir et de ses ambitions impériales, mais également comme une réaction à la propagande anglaise qui sévit à son encontre.
Jacques-Louis David, « Les licteurs rapportent à Brutus les corps de ses fils » (1789)
Ce tableau est également une œuvre de Jacques-Louis David. Ce dernier représente dans la moitié gauche de la peinture Lucius Junius Brutus, le fondateur légendaire de la République romaine. Le consul est assis, dans l’ombre, accablé. À l’opposé et dans un contraste évident, des femmes apparaissent dans la moitié droite de l’œuvre, manifestant leur peine et leur douleur[5]. Cette peinture fait référence à un chapitre douloureux qui s’est déroulé à la naissance de la République, aux alentours de 509 avant Jésus-Christ. Alors qu’une conspiration de sympathisants royalistes menaçant le régime est déjouée, l’implication des deux fils de Brutus – Titus et Tiberus – est prouvée. C’est le consul lui-même qui prononce la sentence condamnant ses propres fils à la peine de mort. Exécutés devant ses yeux, leurs corps précédés par leurs têtes sont apportés dans la demeure de Brutus par les licteurs.
La livraison de cette peinture en 1789 répondait à une commande effectuée en 1787 par d’Angiviller – Directeur général des Bâtiments, Arts, Jardins et Manufactures – pour le compte de la couronne. Cette commande visait à exalter les valeurs civiques et morales au travers de héros antiques ou de gloires nationales considérés comme des exemples de vertus. Le dévouement sans faille de Brutus à la République et ce, au-delà de tout intérêt privé, est largement exploité ici par David, qui dépeint le portrait d’un consul érigé en modèle de vertu civique.
Dans une France devenue révolutionnaire, le peintre, qui côtoie un milieu aristocratique libéral, aspire-t-il à donner à son œuvre la valeur de manifeste politique ? En tout cas, la récupération à des fins politiques de l’œuvre de celui qui a embrassé le mouvement révolutionnaire – avant de devenir député de la Convention – est immédiate. Brutus devient le « vrai » modèle des hommes libres.
En parcourant le Louvre
Faire une visite au Louvre, c’est aussi avoir l’opportunité de visiter un lieu de pouvoir à part entière. Sur le chemin, c’est l’occasion de parler d’architecture comme vecteur de la représentation du pouvoir. Les murs, les plafonds, les escaliers et tant d’autres choses encore sont aussi des éléments particulièrement intéressants lorsque l’on s’intéresse à la mise en scène du pouvoir.
Galerie d’Apollon
La Galerie se trouve au niveau de la terrasse des anciens appartements de Charles IX, transformée par Henri IV en galerie des rois, où étaient exposés les portraits des rois et reines de France.
En 1661, suite à un incendie, Louis XIV entreprend la reconstruction de cette partie du palais. C’est alors que la galerie des Rois devient la galerie d’Apollon. Charles Le Brun – premier peintre du roi – imagine une série de peintures décoratives illustrant, autour de la figure d’Apollon, la course du soleil dans le temps (par des allégories des saisons), et dans l’espace (par l’évocation des constellations). Ces symboles devaient faire écho aux vertus et à l’immortalité de Louis XIV. Cependant, accaparé par le chantier de Versailles, Le Brun ne produit que 4 des 11 grandes peintures prévues pour la voûte.
En 1769, Hugues Taraval reprend les travaux, assisté par des membres de l’Académie royale de peinture de sculpture. Enfin, c’est en 1851 qu’Eugène Delacroix est chargé de réaliser le décor du caisson central avec une peinture sur le thème d’Apollon vainqueur du serpent python. Désormais, la galerie sert de lieu d’exposition des joyaux de la couronne.
Salle des bronzes
Située au-dessus de la salle des Caryatides, l’actuelle salle des Bronzes correspond à l’ancienne salle des Gardes, qui ouvrait sur l’appartement du roi et servait à en surveiller l’accès.
C’est Louis XVIII qui entame les travaux de modification de la salle des Gardes, souhaitant disposer d’une vaste salle où il peut présider à l’ouverture solennelle des sessions des Chambres. Après la chute de Charles X en 1830, le cœur politique du royaume se déplace et la salle est définitivement cédée au musée.
Notons dans cette salle le plafond très contemporain peint par Cy Twombly en 2010, où l’on retrouve inscrits en grec les noms de 7 sculpteurs de la Grèce Antique.
Salle des Caryatides
Cette salle est, avec la galerie d’Apollon, l’espace le plus représentatif du vieux Louvre. Elle occupe tout le rez-de-chaussée du bâtiment élevé à l’emplacement de l’ancienne aile médiévale. C’est en 1549, qu’Henri II charge Pierre Lescot de transformer l’emplacement en salle de bal, véritable lieu de représentation du pouvoir royal. Elle doit son nom à la tribune située dans la partie nord et destinée aux musiciens, qui est l’œuvre de Jean Goujon.
C’est dans la salle des Caryatides que la dépouille d’Henri IV a été exposée pendant près de 18 jours après que celui-ci eut succombé aux blessures infligées par Ravaillac, le 14 mai 1610. À l’agonie, le roi avait été transporté en urgence au Louvre, où la nouvelle de l’attentat est répandue. Sous Louis XIV, la salle des Caryatides accueille ponctuellement des événements variés. Ainsi, le roi aurait assisté à la représentation de Nicomède de Pierre Corneille, ainsi que d’une comédie de Molière intitulée Le Docteur amoureux, toutes deux jouées par la troupe de Molière, le 24 octobre 1658.
escalier Henri II
Également conçu par l’architecte Pierre Lescot, l’escalier Henri II a été décoré par l’atelier de Jean Goujon, entre 1541 et 1555. Cet ouvrage caractéristique de l’art renaissance porte les marques de l’influence italienne. Empreint d’une grande modernité, il se compose d’une rampe droite et d’une voûte en berceau. L’escalier Henri II a été le grand escalier du palais de la Renaissance. Plus qu’un simple espace fonctionnel, il était un véritable lieu d’apparat unissant la salle des fêtes du rez-de-chaussée aux appartements du souverain à l’étage.
Claude Gellée dit « Le Lorrain »
Quatre tableaux illustrent les mutations que fait subir Le Lorrain à la représentation du pouvoir : détournement des genres « nobles » comme la peinture historique ou mythologique, au profit du paysage, effacement des figures humaines au profit du décor, théâtre de leurs actions et plus qu’eux-mêmes empreint de force et de grandeur.
Le premier tableau est une peinture représentant le siège de La Rochelle ordonné par Louis XIII et commandé par le Cardinal de Richelieu entre 1627 et 1628. La seconde œuvre évoque le pas de Suse, bataille ordonnée par Louis XIII et commandée par le Cardinal de Richelieu, en 1629, un an après le siège de La Rochelle.
Cependant, ce ne sont pas les victoires militaires à proprement parler qui sont intéressantes ici, mais le paysage qui donne toute sa grandeur à la scène. Pour le siège de La Rochelle par exemple, plusieurs milliers de personnes sont mortes mais étrangement, la scène représentée est calme et donne à voir une grande étendue occupée par quelques figures à peine identifiables. Même chose avec le Pas de Suse : forcé par Louis XIII, il évoque ici une scène sereine et non une action guerrière. Claude Gellée fait le choix d’accorder plus d’importance à la construction du lieu qu’à la réalité sanglante. Le paysage devient le cœur du tableau et de la représentation du pouvoir. C’est une caractéristique du travail de Claude Gellée, comme on peut le voir avec les tableaux suivants, avec le débarquement de Cléopâtre à Tarse (1942-1943) et le Port de Mer avec Ulysse rendant Chryséis à son père (1644).
Dans ces derniers, les figures de pouvoir que sont Cléopâtre et Ulysse passent presque inaperçues, tant elles sont petites, ce qui souligne le gigantisme de l’architecture et du décor.
Finalement la représentation du pouvoir est davantage inscrite dans l’architecture composite, mêlant souvenirs et interprétation, toujours spectaculaire. Par exemple, c’est l’imposant palais à l’antique ou encore le grand bateau noir, mât dressé dans la lumière du soleil, et sur lequel Ulysse a amené Chryséis, qui donne toute la grandeur au lieu et donc à la scène du tableau.
Galerie Médicis
Nous entrons désormais dans la Galerie Médicis, qui abrite un cycle narratif commandé par la Reine Marie de Médicis au peintre Pierre Paul Rubens en 1622. Suite à l’assassinat d’Henri IV par Ravaillac, le 14 mai 1610, Louis XIII – qui n’est alors âgé que de 8 ans – est sacré à la suite de son père le 17 octobre 1610, dans un contexte politique incertain. La régence est confiée à sa mère, la reine Marie de Médicis, veuve d’Henri IV.
Aux termes du contrat, une suite de vingt-quatre tableaux mettant en scène la gloire et le pouvoir de la régente est livrée par le peintre, en 1625 ; l’ensemble est initialement destiné à la galerie occidentale du premier étage du Palais du Luxembourg, où Marie de Médicis réside.
Les épousailles de la Reine – ou la Réception de l’anneau – dit encore Le Mariage par procuration de Marie de Médicis et d’Henri IV, à Florence le 5 octobre 1600
Cette œuvre décrit la cérémonie de mariage de la princesse Marie de Médicis au Roi de France Henri IV, qui se tient à la cathédrale de Florence le 5 octobre 1600. Toutefois, Henri IV ne s’est pas rendu sur place. C’est l’oncle de Marie de Médicis – le grand-duc de Toscane Ferdinand Ier – qui se tient face à la princesse et lui remet l’anneau scellant l’union.
À noter la représentation du peintre Rubens sur cette toile, qui a effectivement assisté au mariage, en tant que membre de la famille Gonzague. Toutefois, il apparaît ici derrière la reine, portant une croix. Or il semble assez peu probable qu’il ait occupé une telle place lors de la cérémonie.
Le débarquement de la Reine à Marseille
Il s’agit de la représentation de l’arrivée de Marie de Médicis à Marseille, pour rejoindre son époux, après son mariage par procuration. La Reine y est représentée accompagnée de la grande-duchesse de Toscane et de sa sœur, la duchesse de Mantoue. Elle est accueillie par une personnification de la France, portant une cape bleue brodée de fleurs de Lys dorées.
La Renommée fait sonner deux trompettes pour les accueillir, alors que Neptune, surgissant sous le vaisseau ayant conduit Marie de Médicis jusqu’à la cité phocéenne, s’assure de son arrivée à bon port.
Les préparatifs du roi pour la guerre d’Allemagne ou La remise de la régence à la Reine, le 20 mars 1610
Henri IV est représenté par Rubens s’apprêtant à partir en campagne. Celui-ci confie à la Reine non seulement la prise en charge du dauphin – le futur Louis XIII – mais également la régence.
On note dans cette représentation, la première apparition du globe comme symbole de l’autorité et du pouvoir de l’État, présent dans six des vingt-quatre œuvres réalisées pour le cycle. Il fait allusion à l’orbis terrarum romain symbole de la puissance et du territoire de l’Empereur romain.
Enfin, la déesse de la Sagesse et de la Guerre, Athéna est représentée à droite de Marie de Médicis.
Le couronnement de la reine à l’abbaye de Saint-Denis, le 13 mai 1610
Considéré comme l’un des tableaux majeurs de la série avec L’Apothéose d’Henri IV et la proclamation de la régence de la reine, ces deux scènes montrent Maire de Médicis recevant la couronne royale, le Globe de l’État.
Par ailleurs, les regalia sont représentés sur cette toile. La couronne, le sceptre et la Main de la Justice sont respectivement portés par le prince de Conti, le duc de Ventadour et le chevalier de Vendôme.
La présence d’Henri IV est secondaire. Le monarque est représenté dans une fenêtre, au-dessus de la tribune. La foule située au fond de la basilique lève les mains pour acclamer la nouvelle reine. Au-dessus d’elle, se trouvent les personnifications de la Victoire et de l’Abondance, versant sur la tête de la reine les bienfaits de la paix et de la prospérité.
L’apothéose d’Henri IV et la proclamation de la régence de la Reine, le 14 mai 1610
Il s’agit du point fort du cycle : toute la narration fait mouvement vers ce tableau représentant Henri IV montant aux cieux, arraché à la terre par Jupiter et Saturne, couronné de laurier, symbole de l’immortalité.
Sur terre, deux Victoires pleurent la disparition du héros divinisé par le peintre, alors que la Reine prend le pouvoir : la France lui tend le globe fleurdelisé, symbole de ce pouvoir. Elle est conseillée par Minerve – la Sagesse – et la Prudence.
En écho aux obligations qui incombent aux monarques de droit divin, la Providence de Dieu tend à Marie de Médicis le gouvernail, signe d’autorité. Les sujets du royaume témoignent allégeance et supplient la Reine veuve d’accepter la régence.
L’ensemble de ce parcours fait apparaître la manière dont la peinture, comme l’architecture ou la sculpture, ont pu se mettre au service du récit élaboré par le pouvoir et participer à asseoir l’autorité des Princes. Les œuvres comme le Palais lui-même témoignent de la puissance de ces médiations qui aujourd’hui encore – mais par d’autres biais et selon d’autres formes – demeurent des outils majeurs de la communication politique.
Camille Louradour, Pauline Courbé Dubost, Marion Jaille et Nicolas Léger
(promotion M2, 2017-2018)
[1] Ernst Kantorowicz, Les deux corps du roi, Paris, Gallimard, 1989.
[2] Louis Marin, Le portrait du roi, Paris, Minuit, 1981.
[3] Cf. Edward Saïd, L’orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Le Seuil, 1980.
[4] Cf. Linda Nochlin, Les politiques de la vision. Art, société et politique au XIXe siècle, Paris, Jacqueline Chambón (trad. fr. Oristelle Bonis), 1989.
[5] Voir Linda Nochlin, Femmes, arts et pouvoir et autres essais, éditions Jacqueline Chambon, Nîmes, 1993.