Nicolas Sarkozy, la TimeLine qui remonte loin
18 février 2012
Le candidat à l’Elysée doit aimer lire et écrire
19 février 2012

L'héritage glorieux à l'épreuve de la crise : Londres à l'heure du choix

« La vieille Europe, elle ne revivra jamais : la jeune Europe offre-t-elle plus de chances ? » écrivait Chateaubriand dans ses mémoires. Cette phrase illustre judicieusement les tensions qui traversent l’Union Européenne en ces temps de crise où la fraternité peine à surmonter une adversité constante. Alors que s’intensifie l’érosion des souverainetés européennes au profit des acteurs de la finance et de l’omnipotente économie mondiale, un choix s’impose.
Doit-on garder jalousement les yeux rivés sur ce que le passé nous a permis de bâtir, se conforter dans l’acquis que l’on croit inébranlable ? Ou faut-il au contraire concentrer tous ses efforts vers l’avenir, le fédéralisme européen à marche forcée, et faire nôtre l’opportunité unique qui s’offre de créer l’Europe politique ?
 
Ce dilemme n’est pas nouveau, mais il apparaît aujourd’hui sous un jour différent. Ce n’est plus l’idéologie seule qui est en jeu, ni la paix retrouvée de l’Après Guerre qui avait donné un élan euphorique au premier souffle de l’Europe unie. Désormais, c’est l’économie globale qui menace de vaciller. Et avec elle le bien-être des peuples et la paix sociale de toute l’Union Européenne.
Le Royaume-Uni souffre d’un double handicap pour se confronter à ces enjeux : son pan américanisme qui le contraint au rôle de vassal au détriment de celui de leader de l’ambitieux projet européen ; et sa focalisation sur l’héritage colonial en ruine, symbole de sa grandeur passée, qui lui proscrit toute audace.
Il suffit de se plonger un instant dans la presse anglaise pour se rendre compte de la préférence marquée des médias anglais en faveur de l’actualité américaine. Tous les sites de grands quotidiens consacrent une rubrique entière à la course à l’élection américaine, tandis qu’aucun ne possède une rubrique Europe. Cette indifférence se double d’une passion constante pour les ex dominions de l’Empire. A cet égard, la récente victoire du Rafale sur l’Eurofighter a déclenché l’ire de la presse britannique envers Paris, s’accompagnant d’une remise en question des aides financières accordées à l’Inde par la Grande Bretagne. Cet exemple est révélateur de la position anglaise au sein de l’Europe. Refusant d’encourager le processus d’intégration politique plus ou moins en vogue, Londres se borne à lui préférer une domination illusoire sur un Commonwealth en déclin.
L’édition de The Independant datée du 8 février 2012 fait la part belle au feuilleton du conflit des Falklands Islands. À l’approche de la commémoration -voulue par l’Angleterre- de la guerre des Malouines de 1982, les tensions se cristallisent autour de la question de la militarisation croissante de la zone maritime pacifique sud.
La présidente argentine, Cristina Fernandez de  Kirchner, annonce qu’elle déposera une plainte à l’ONU contre le renforcement de la force maritime Anglaises dans la zone des Iles Malouines, qualifié par l’Argentine de « tentative de néo colonialisme ». Les journaux Anglais se passionnent pour cette actualité, prétexte au renforcement du nationalisme en plein anniversaire du jubilé de la Reine Elisabeth II. La possibilité de l’envoi d’un sous marin d’attaque nucléaire anglais sur la zone a même été évoquée par plusieurs tabloïds anglais. Entre rumeurs et emphase, la presse anglaise semble éprouver une passion jubilatoire à traiter de l’actualité mondiale au travers du prisme nationaliste.
Si cette vision peut nous sembler surannée, n’oublions pas que c’est un écueil dont la France ne peut prétendre être préservée. On pourra dire que les ultimes soubresauts de la Françafrique semblent s’être éteints durant les dernières années, ou que le printemps arabe a bouleversé l’emprise française sur ses ex colonies. Il n’en demeure pas moins que les deux pays sont pointés du doigt par les instances internationales au titre de leur domination sur les « territoires non autonomes. » Si les  Iles Malouines figurent dans cette liste, la Nouvelle Calédonie sous administration française également. En revanche, bien que la France ne soit pas exempte de tout reproche, son implication sincère dans l’ambition européenne n’est plus à démontrer.
Le refus caractéristique de la Grande Bretagne de relâcher son emprise sur un Commonwealth en désuétude se heurte aux principes unionistes européens. L’Angleterre ne peut plus se contenter du giron bienfaisant de son passé glorieux. Il lui faut oublier un instant sa fierté, se libérer de cet esprit rigoriste figé dans l’intransigeance, et accepter l’idée que seule, elle ne demeurera pas une puissance. Qu’elle bâtisse son avenir en façonnant le destin commun européen. Si les médias sont parfois le reflet de l’opinion, il est de la responsabilité des dirigeants Anglais de prendre la mesure de l’enjeu présent. La Grande Bretagne est à l’heure du choix.
Au cours du 19e siècle, le Royaume Uni faisait preuve d’une effronterie sans pareille pour tenter d’assujettir le quart du globe. Cet esprit de conquête caractérise toujours la société anglaise. Espérons qu’en ces temps tumultueux, la crise puisse constituer l’élément déclencheur au sein duquel pourra naître et s’épanouir la passion européenne britannique.
 
Xavier Leray
Haya Brami
Correspondants Erasmus à Cambridge, United Kingdom